Jour 20

La fièvre est tombée, je vais mieux ce matin. J’ai renvoyé Madame dos Santos chez elle au cas où, je ne voudrais pas la contaminer. Je décide de rappeler l’hôpital pour avoir des nouvelles d’Alexandre. Hier soir, son état était stationnaire. J’espère que la nuit a été bonne. Je patiente en musique sur un répondeur interminable.

Je regarde cette photo de nous deux à Bali, celle que Madame dos Santos regardait hier. Je crois que c’est ma photo préférée de nous deux. Pendant tout le voyage, j’ai pensé qu’Alexandre allait faire sa déclaration. En haut du mont Agung, sur l’île de Nusa Penida. Au début du séjour pour marquer le coup, au milieu pour nous laisser le temps d’atterrir, à la fin pour finir en apothéose. Partout je me suis fait mon film. Ici il n’y a pas grand monde, la lumière est belle, c’est le moment idéal. Les 15 jours ont filé sans un signe d’Alexandre.

Je lui avais fait part de ma tristesse au retour. « Le mariage, c’est un truc du XIXe siècle. J’espère que tu n’as pas besoin de ça pour comprendre que je t’aime » m’a t-il répondu. Il s’était mis en colère. « J’ai passé 6 mois à organiser ce voyage et c’est comme ça que tu me remercies ?! » Le soir, je me souviens avoir pleuré en silence. Comme si je prenais soudainement conscience de nos différences, comme si elles m’éclataient à la figure. Nous n’en avons plus jamais reparlé.

Je regrette d’être partie précipitamment chez Baptiste le premier jour du confinement. D’avoir laissé Alexandre en plan. Je voudrais pouvoir lui parler, lui dire combien il m’a manqué et combien il me manque. J’y pense. Le médecin au téléphone m’a dit qu’Alexandre avait quelque chose d’important à m’annoncer. Maintenant je comprends. C’est sûr, il est prêt ! Il était sur le point de faire sa demande ! « Allo ? Allo l’accueil de l’hôpital Lariboisière, j’écoute… » Je me précipite sur le combiné.